mercredi 20 octobre 2010

Les langues de chez nous

Il y a un domaine où les suédois ne cessent de m'étonner; et c'est celui des langues (étrangères).

Ce qui marque tout d'abord pour un regard français, c'est l'absence totale d'animosité vis à vis des dialectes étrangers. Les suédois, dans la mesure de leurs connaissances, utilisent volontiers la langue de leur interlocuteur pour échanger; et ceci en toutes circonstances. C'est un peu un jeu, et aussi un intérêt. Que vous parliez à un médecin, aux impôts, dans le cadre de votre travail, avec des amis, dans la rue avec un étranger, rien n'empêche un suédois de vous parler anglais, voire français, allemand, etc.

Au dagis (sorte de garderie-école maternelle), les photos des enfants sont affichées avec un petit texte : je m'appelle Albane, mes parents s'appellent Delphine et Laurent, et je parle français à la maison. Chaque enfant à un texte similaire, qu'il parle suédois ou une autre langue. C'est l'occasion de voir que le monde est varié, et que plusieurs enfants parlent 2 langues à la maison. Parfois, les enfants sont ainsi trilingues : la langue de papa, la langue de maman, la langue de la Suède. Et bien sûr, si aucun des parents n'est anglophone, la langue de Shakespeare viendra se rajouter. Qui dit mieux ?

Je ne saurais discuter des langues en ce beau pays sans citer ce couples d'amis qui a 4 langues communes à la maison. Sans compter l'allemand en cours d'apprentissage. C'est assez bluffant pour un regard français.

C'est un peu traître de vivre dans un tel environnement, d'ailleurs, et il est difficile pour moi de faire des progrès en suédois; car mes interlocuteurs passent rapidement en anglais, voire en français.

Du coup, je me pose un peu la question de l'attitude des français vis à vis des langues étrangères.

Pourquoi donc avons nous, français, une certaine réticence à laisser l'anglais pénétrer nos sphères privées voire professionelles ? Est-ce pour la défense d'une langue qui serait menacée ? Mais l'est-elle vraiment, et l'est-elle plus que le suédois en Suède ? Et pourquoi une telle différence d'attitude ?

Une anecdote vécue au lycée français lors d'une réunion de parents donne le ton : la réunion commence, et le personnel du lycée demande à l'assemblée des parents s'il est souhaitable d'avoir une traduction vers le suédois. Un parents glisse d'une petite voix : "On est quand même au lycée français !". Etonnant, non ? Un français en Suède continue à penser que sa langue maternelle est tellement supérieure qu'elle devrait suffire.

J'observe que l'attitude française vis à vis de l'anglais crée une génération d'handicapés dans ce domaine; ce qui est une difficulté pour nos entreprises. Il est inconcevable ici qu'une personne sortant de l'université ne soit déjà de très bon niveau d'anglais. Je n'en dirais pas autant dans l'hexagone. En fait, tout suédois parle très bien anglais dès 14 ans.

Je ne peux que constater qu'au sein des discussions de travail, et surtout de la machine à café, j'entends des langues fort diverses, souvent européennes; et surtout je remarque qu'un grand nombre de gens comprennent plusieurs langues, si ce n'est pour les parler.

Enfin, la présentation ne serait que partielle si je ne disais que les suédois apprécient bien entendu que l'on parle leur langue. Après quelques années, cela devient une nécessité pour s'intégrer vraiment. Normal, mais cela laisse tout de même un peu de temps.

Finalement, les langues sont perçues ici comme un outil. En France, elles sont reçues comme une culture, ou une menace à une culture.

C'est très amusant comme jeu que de parler plusieurs langues; c'est un défi pour l'esprit; et c'est décidé, je me remets à mon Suédois !

2 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est exactement la même explication que j'ai reçut de la part d'une métisse française-tchadienne mariée à un suédois depuis 2 ans (et ayant fait ces études supérieurs en Angleterre). Personne intéressante par ailleurs.

Et oui, je confirme l'état d'esprit suédois (un outil) autant que français (la culture, l'identité).

Le seul problème que je trouve, c'est que c'est fatiguant (au premier sens du terme) de changer de langue, d'en écouter plusieurs, de 'switcher' à longueur de journée. Mais bon... C'est aussi pratique de ne pas se voir rembarrer lorsque l'on parle anglais !
(continuez donc, vous autres suédois !)

Georges a dit…

J'ai plusieurs remarques.

Tout d'abord, effectivement, les Suédois parlent des langues. Il m'est arrivé de devoir demander quelque chose dans les magasins, et quand mon pauvre suédois ne tenait plus la route, les commerçants se mettaient, eux, à me répondre en français.

Toutefois, cela n'est pas général. Je connais, dans la région bruxelloise, une famille d'origine suédoise, mais qui parle anglais à la maison, "pour le bien de [leur] fille". Alors que dans la région bruxelloise il y a déjà deux langues nationales et une régionale (le français, le néerlandais et le bruxellois), leur fille ne parle aucune langue belge, et encore moins le suédois. Une honte!

Si vous autres Français tenez tellement au français, c'est que le patriotisme n'est pas mort. En effet, on aurait besoin, dans tous les pays francophones, de la Loi 101 (québecoise). Je donne un exemple: presque tous les sites web belges que j'ai visités hier utilisent le franglais et le néerlanglais. Aucun ne sait parler correctement le français. Alors, j'ose dire: le français est vraiment une langue menacée (sauf au Québec et en Afrique noire).

N'empêche, tous les Suédois (ou presque) parlent également l'anglais, mais seulement un quart d'entre eux parlent aussi le français. C'est décevant, quand même...